Ces dernières années, de mystérieux incendies d'immeubles vétustes se produisent régulièrement dans le XXème arrondissement de Paris, obligeant la ville à reloger dans les meilleurs délais les habitants dans des logements sociaux récents et confortables. Bien plus efficace que de s'inscrire sur une liste d'attente et de patienter des années, comme le pauvre plouc de français moyen !
![INCENDIES A PARIS: LA PLUS SURE FACON D'ETRE RELOGE ?]( "INCENDIES A PARIS: LA PLUS SURE FACON D'ETRE RELOGE ?")
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« Les familles seront relogées »: maire du 20e arrondissement
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Dans le livre prestige de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris* publié en septembre 2011, une inexactitude méritant d’être soulignée s’est glissée page 412 : « Violent feu d’immeuble cité du Labyrinthe à Paris 19e, le 14 avril 2011, ce fut l’un des plus meurtriers de la décennie (…) ». La légende de la photo situe le drame dans le 19e arrondissement de la capitale. En réalité, le 6, Cité du Labyrinthe se trouve dans le 20e .
Un sinistre de plus qui à l’époque vient s’ajouter à la déjà longue liste de ceux déclarés dans ce secteur de l’Est parisien qu’on croirait propice aux feux d’appartements. Au gré des rues, les façades calcinées, les vestiges d’habitations murées par arrêté préfectoral « racontent » les drames, laissent entrevoir les dégâts dans ce quartier étendu recensant 200 000 habitants, soit 33 445 par km2.
Verdict : majoritairement, il s’agit d’actes malveillants
Dans le « 20 », propriétaires, voisins, commerçants, fonctionnaires théorisent sur ces incendies à répétition, devançant les recherches et les conclusions d’enquêtes officielles. Une fois l’incendie circonscrit, la police scientifique se charge de déterminer l’origine du sinistre : criminelle ou accidentelle ? Les preuves collectées rendent un verdict pour le moins alarmant : majoritairement, il s’agit d’actes malveillants dans cet arrondissement. Alors, oeuvre d’un déséquilibré, règlements de comptes entre bandes rivales, crime raciste en zone cosmopolite ? Seul l’auteur une fois interpellé sera en mesure de justifier sa motivation. Si tant est que la brigade criminelle parvienne à le démasquer…
Pas de fumée sans feu…
Une rumeur persistante n’a donc pas attendu l’aboutissement des investigations pour se répandre comme une traînée de poudre sur ce fief socialiste. Elle circule dans les rues escarpées, dans les parcs parmi les badauds, s’invite au comptoir dans la discussion de consommateurs dans d’anciens garages convertis en bars bobos : ces incendies trop fréquents seraient intentionnels mais sans volonté homicidaire. Des feux prémédités voire des commandes (le « service » monnayable boulevard de Belleville à 1000 euros, cf : encadré). Des mal-logés, des locataires étranglés par des loyers excédants leurs revenus, des désespérés de la crise immobilière seraient les commanditaires ou la main qui craque l’allumette, sans mesurer la gravité des conséquences. Un ultime choix guidé par l’exaspération, le découragement devant la pénurie de réponses à leurs appels à l’aide.
« À force, ici, on se croirait sur une plateforme pétrolière »
Interrogé, Samuel. V., un riverain, expose son point de vue : « J’ai emménagé dans le quartier, rue de Ménilmontant depuis 2010. J’ai été témoin au moins de cinq feux dans le coin ! Remarquez bien que ça brûle dans du privé, jamais chez les bailleurs sociaux, de ce j’en ai vu jusqu’à maintenant ». Accompagnant le geste à la parole, il extrait de sa poche un Smartphone, une série de clichés amateurs défilent sous son doigt accusateur, la dernière intervention immortalisée remonte au 22 juillet 2012, deux camions de pompiers au milieu de la chaussée : « Vous voyez ces photos, je ne les invente pas ! A force, ici, on se croirait sur une plate-forme pétrolière. C’est bien de chercher des coupables, encore faut-il inspecter sur la bonne piste ». Une employée de la mairie développe : « Il faut explorer toutes les hypothèses y compris les plus saugrenues. Il n’est pas rare qu’à la mairie un demandeur de logement s’emporte et que la situation dérape. Peut-être que oui, certains mettent le feu pour ensuite bénéficier d’un logement social, pour autant, je ne dis pas que les locataires se concertent avant. Sans trahir un secret : les critères d’attribution sont rarement respectés malgré ce qu’on veut faire croire en brandissant un principe de transparence… ».
Au lendemain d’un énième incendie, les déclarations de la maire PS du 20e arrondissement – qui sonnent comme un dédouanement - vont semer encore plus le doute. « On est dans un des quartiers les plus denses de Paris, caractérisé par une sur-occupation des appartements, l’immeuble n’était pas vétuste. Ce n’est pas un problème d’insalubrité », précisant que la mairie avait ouvert en urgence un gymnase prêt à accueillir les rescapés. Toujours à propos des familles, l’élue croit bon de promettre publiquement « Elles seront relogées ». De son côté, la Ville de Paris assure « Nous travaillons pour les reloger en tenant compte de leur intimité ». Curieusement, si l’intention semble a priori louable, le recours à ce communiqué provoque un retentissement pervers auprès des administrés. Consécutivement à ces promesses, les claviers indécents se déchaînent sur la toile le jour même du drame :
« nolli: on est dans un des quartiers les plus denses de Paris, caractérisé par une suroccupation des appartements... Tout est dit non ? ». Le 14/04/2011 à 12:58
« kisame: ils vont trouver à dire que c'est la faute des autorités et ils vont demander des logements à moindre frais...». Le 14/04/2011 à 14:54
Le 13 décembre 2011, Anne Biraben, architecte de profession, écrivain et déléguée UMP du 20e arrondissement poste sur son blog : « Halte au feu ! On a l'impression que l'arrondissement ne cesse de brûler ! L'émotion est forte et les habitants sont sous le choc. Le bilan de cette année 2011 fait état de quatre incendies (…) ». Le bilan réel : 350 incendies ! Toutes catégories confondues : accidentelles et criminelles, feux domestiques, de scooter, d’habitations, etc.
En mai 2012, suite à l’annonce de Cécile Duflot, ministre du Logement, après un sinistre ayant mobilisé 234 pompiers dans le 20e arrondissement de Paris : « Il y a entre 130 et 150 personnes à reloger. L'ensemble des familles seront relogées d'ici à ce soir, le plus près possible de leurs logements », les claviers des ordinateurs crépitent de nouveau :
« helmut: incendier l'immeuble est le meilleur moyen de se faire reloger en HLM. c'est bien connu». Le 28/05/2012 à 17:36 »
« rofil75: a paris lorsqu'un incendie se déclare dans des logements locatifs ( sociaux ou privés ) la mairie organise le relogement... très bien . Lorsque ce sont parfois des propriétaires qui habitent sur le même pallier , ils n'ont droit à aucune considération et aucune aide et doivent trouver par leurs propres moyen un endroit où dormir . stupéfiant mais vrai et vécu par des connaissances ». Le 28/05/2012 à 09:32 »
« depresle « Qui croire, les pompiers qui disent que trés peu d'appartements ont été touchés, à par un, ou Duflot Cécile qui dit qu'elle va reloger 150 personnes?!..... ». Le 28/05/2012 à 01:30
« neoliarc: (…) Dans un fait divers similaire il y a un ou deux ans, le monde politico-médiatique avait "accusé" deux marginaux, dont un qui avait été interviewé comme témoin, avant de se confondre en excuses lorsque cette piste avait été définitivement écartée... »
En cette période de renouveau présidentiel, pas question de laisser échapper le coupable. Vaste déploiement de moyens donc pour in fine mettre la main sur les criminels : deux préadolescents. L’arrestation n’éteint cependant pas " la théorie fumeuse ". Une voisine fulmine « Il paraît que les témoignages et surtout les caméras ont été d’un précieux concours pour l’arrestation de ces pyromanes en herbe. Où étaient les caméras au moment de l’incendie qui a ravagé un immeuble et fait un mort à vingt mètres d’ici ? ». Une manière de souffler sur les braises…
Le 20e arrondissement : terre d’exil ou d’asile ?
Ce n’est donc pas par hasard que les « squatteurs » ou certains collectifs de mal-logés «élisent domicile» dans l’eldorado des HLM : le 20e arrondissement est celui qui compte le plus de logement sociaux à Paris. « On recense 6000 logements vides dans le seul 20e arrondissement, selon l'un des collectifs de squatteurs qui dénonçait aussi en juin 2012: «C’est la mairie du 20e qui crée le péril (…) alors que ERDF était d’accord pour nous fournir l’électricité, nous exigeons donc le raccordement au réseau électrique que la mairie du 20e nous refuse ».
Plonger dans l’obscurité des mal-lotis en quête d’une lueur d’espoir, n’est-ce pas là le plus sûr moyen de les pousser à utiliser une bougie … ou des allumettes ?
* Sapeurs Pompiers de Paris, éd. Albin Michel
** Sociologie de Paris, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Ed. La Découverte
*** Paris20 Infos et Lutte de Classe, gratuit n°8 paris20info@riseup.net